Georgia Tech et IMT Mines Albi collaborent pour développer ensemble des projets de recherche
Frederick Benaben, professeur au Centre Génie Industriel a accepté de répondre à nos questions sur les travaux de recherche qu'il mène actuellement avec Georgia Tech.
Nous avons recueilli le témoignage de Frederick Benaben, professeur au Centre Génie Industriel, vivant actuellement à Atlanta pour mener à bien un projet de recherche avec Georgia Tech. A travers ces travaux de recherche, l'objectif est de construire un véritable réseau qui permette d’initier des collaborations futures pertinentes, pérennes et bénéfiques entre IMT Mines Albi et Georgia Tech.
Bonjour Frederick, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
J’ai 44 ans, je suis marié avec 3 enfants. J’ai grandi en banlieue parisienne puis dans la région de St Etienne. Après un diplôme d’ingénieur IMT Mines Alès et un DEA à l'Université de Montpellier, j’ai obtenu un doctorat en contrat CIFRE entre IMT Mines Alès et Thales Optronique en 2001. Après deux ans de post-doc, j’ai finalement été recruté en tant que Maître-Assistant à IMT Mines Albi en 2003. J’y ai passé une HDR et pris la responsabilité d’une équipe du centre de Génie Industriel en 2012, puis j’y suis devenu professeur début 2017. Pour en savoir plus
Comment est venu l'idée de réaliser un projet en collaboration avec Georgia Tech?
L’idée est surtout venue de Matthieu Lauras qui a combiné le démarrage de la chaire sur la Supply-Chain agile avec Pierre Fabre et nos premières discussions informelles avec Georgia Tech pour lancer en 2016 une thèse co-dirigée entre les deux établissements. C’est la thèse de Raphaël Oger à laquelle je suis associé pour le volet système d’information.
C’était surtout une super opportunité de complémentarité car l’équipe du Professeur Benoit Montreuil à Georgia Tech était encore assez jeune (lancée en 2015) et pleinement orientée sur le sujet de l’hyperconnectivité abordée selon le point de vue de la supply-chain, alors que nous engagions de notre côté un travail sur l’agilité de la supply-chain selon le point de vue de la gestion des données et des systèmes d’information (on était destiné à se croiser à un moment ou à un autre). C’est dans ce contexte qu’il a été convenu que je viendrais passer une année à Atlanta pour travailler sur certains aspects de ces sujets croisés et partagés.
Peux tu nous expliquer ce projet?
Sur le périmètre des activités de recherche que je mène à Atlanta, il y a globalement deux niveaux à ce que nous essayons de faire ensemble :
- un premier niveau qui concerne l’interprétation des données. Ca veut essentiellement dire que dans un contexte industriel ou collaboratif quelconque (par exemple une supply-chain mais pas seulement), il y a d’énormes volumes de données qui sont aujourd’hui accessibles et qui circulent en permanence. Notre objectif est de permettre à des systèmes d’information d’interpréter ces flux de données en regard de concepts abstraits… Par exemple de recevoir des valeurs de niveaux de stocks de matières premières en flux continus ainsi que des variations de prix de certains fournisseurs et de « comprendre » que ces éléments représentent une opportunité (l'opportunité étant le concept abstrait dans ce cas-là). Ca peut aussi être des données issues de capteurs de débit d’eau sur une rivière, couplées à des messages twitter d’une colonie de vacances pique-niquant sur une berge, permettant l’interprétation d’un risque potentiel (le concept abstrait étant alors le risque). Bref, il y a trop de données, elles arrivent trop vite, et l’humain a une trop petite bouche pour boire à cette cascade…
- le deuxième niveau concerne l’exploitation des informations obtenues. Il s’agit surtout de voir si les risques, les opportunités et tous les autres concepts descriptifs de la situation identifiée automatiquement par le niveau de l’interprétation des données ne peuvent pas être utilisés automatiquement pour aider au pilotage des organisations mises en jeu. Aujourd’hui on le fait déjà dans notre équipe en proposant des outils qui, sur la base de ces informations, construisent automatiquement un schéma de processus recommandé. L’idée de ce projet est d’aller un cran plus loin en proposant non plus un chemin supposé optimal (ce qui sous-entend de savoir où on veut aller), mais en proposant l’étude ouverte des chemins accessibles (ce qui en plus nous laisse libre de découvrir des objectifs qu’on ne savait pas qu’on pouvait atteindre). Bref, je ne sais pas si ça voit bien dans les lignes précédentes, mais c’est plutôt rigolo.
Comment se structurent les recherches? Quels sont les principaux intervenants?
Du côté IMT Mines Albi, globalement, nous avons utilisé pas mal de résultats obtenus (en particulier la plateforme RIOSUITE qui capitalise bon nombre de nos résultats théoriques sous la forme d’un prototype logiciel développé et maintenu par notre équipe d’ingénieur de recherche Nicolas Salatgé, Julien Lesbegueries et Sébastien Rebière). Ensuite, nous avons élargi à la fois les domaines d’application et les sujets traités, en particulier du fait de la thèse de Raphaël Oger, sous l’impulsion de Matthieu Lauras et de la chaire Pierre Fabre. Pour ma part, j’apporte surtout la dimension informatique et système d’information au domaine métier de la collaboration d’organisation.
En terme de structuration des recherches, nous avons donc commencé par la thèse co-dirigée (qui devrait être soutenue fin 2019). Dans la foulée, Matthieu Lauras et Benoit Montreuil vont démarrer une à deux autres thèses co-dirigées en 2019 (on attend encore la confirmation pour la deuxième). Enfin, nous avons lancé un projet d’application de ces résultats dans un contexte industriel à Atlanta avec un gros acteur du secteur de l’assemblage informatique. C’est plus particulièrement sur ce projet que je travaille ici avec l’équipe de Georgia Tech pour essayer de démontrer la pertinence de notre approche dans un contexte industriel réel. L’enjeu sur ce projet est très fort car les montants sont colossaux et les attentes de l’industriel très importantes.
Quels sont les enjeux pour IMT Mines Albi et les évolutions futures?
J’espère deux choses pour IMT Mines Albi et le Centre Génie Industriel :
- Tout d’abord que le projet industriel fasse la démonstration suffisante de la pertinence de nos approches et de nos outils pour initier une collaboration tripartite entre IMT Mines Albi, Georgia Tech et cet industriel. Si ça venait à fonctionner, ce serait probablement une collaboration à long terme avec un vrai bénéfice scientifique pour nous. Evidemment, il faut nuancer l’enthousiasme apparent dont je fais preuve… C’est un projet risqué, avec beaucoup d’attentes de la part de l'industriel et pas mal de prise de risque de notre côté concernant ce qu’on propose. Mais c’est le jeu, si on ne prend pas un peu de risques en recherche et si on n'essaie pas des trucs nouveaux même un peu fous ou bizarres, c’est dommage.
- Ensuite, j’espère vraiment que mon intégration dans le tissu scientifique local et un peu plus large va bénéficier à court terme au centre Génie Industriel. J’ai eu pas mal de réunions à Atlanta et dans d’autres universités américaines avec des chercheurs de Auburn University, Virginia Tech et Penn State University. J’espère construire un réseau qui permette d’initier des collaborations futures pertinentes.