Impression 3D : l'avenir de la fabrication de médicaments ?
Rencontre avec Martial Sauceau, enseignant au sein du Master AdPharming et chercheur au centre RAPSODEE UMR CNRS 5302 qui apporte son oeil d'expert sur l'impression 3D de médicaments.
Entretien avec Martial Sauceau, Maître Assistant à IMT Mines Albi, enseignant dans le Master Advanced Pharmaceutical Engineering (AdPharming) et chercheur au centre de recherche RAPSODEE associé au CNRS. Il travaille sur le développement de nouveaux procédés de fabrication de médicaments, utilisant notamment des fluides supercritiques et l'impression 3D.
Le premier médicament imprimé en 3D
L'impression 3D s'est développée dans de nombreuses industries au cours des 20 dernières années, mais le premier médicament imprimé en 3D approuvé en 2015 par la FDA (Food and Drug Administration) était un médicament utilisé dans le traitement de l'épilepsie. L'approbation de la FDA a permis de valider ce type de procédé par les autorités réglementaires, ce qui est essentiel dans le domaine du médicament.
Les avantages et les défis de l'impression 3D de médicaments
Les phénomènes physiques et chimiques sont les mêmes qu'avant l’impression 3D, c'est la manière dont l'objet est produit (couche par couche) qui change. Il y a trois avantages principaux :
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Facilité de personnalisation
Avec l'impression 3D, il est désormais possible de réaliser des objets de forme de plus en plus complexe, ce qui n’est pas toujours possible avec d'autres procédés conventionnels. Par exemple, des formes plus attractives ou mieux adaptées aux besoins des personnes âgées ou des enfants.
De plus, l'industrie pharmaceutique est très intéressée par la médecine personnalisée. Dans l’absolu, chaque individu peut avoir besoin de son propre médicament en fonction de ses caractéristiques. Par exemple, dans les services de pédiatrie de certains hôpitaux, des médicaments personnalisés sont déjà produits. Si la molécule active s'est avérée efficace et si le bénéfice est considéré comme supérieur au risque, le médicament approuvé par les autorités réglementaires est adapté en dehors de toute « règle écrite ». Par conséquent, les professionnels de la santé sont très intéressés par de nouvelles méthodes permettant de produire des médicaments personnalisés encore plus efficaces que celles dont ils disposent déjà.
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Fabrication à la demande
Un autre avantage de l'impression 3D est qu'elle permet une fabrication à la demande. Face à la crise sanitaire, des gens du monde entier ont réussi à produire des choses sur place, localement et très rapidement. Un jour, peut-être que les médicaments seront fabriqués de cette manière. Plutôt que d'être produits de manière centralisée dans de grandes usines, ils pourraient être fabriqués dans de nombreux endroits différents tels que les pharmacies, dans des lieux difficiles d'accès, des situations de crise ou même à domicile, et surtout uniquement lorsque les médicaments sont nécessaires. Par exemple, si un médicament ne se conserve pas bien, les ingrédients pourraient être transportés dans les bonnes conditions jusqu'à l'endroit où il doit être administré, et le médicament pourrait être fabriqué au dernier moment. Cela pourrait révolutionner toute la chaîne d'approvisionnement en médicaments.
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Prototypage rapide
Un autre avantage très important pour la fabrication de médicaments est le prototypage. Grâce à l'impression 3D, il est désormais possible de fabriquer des objets très rapidement, même très complexes, contenant par exemple plusieurs principes actifs ou dans des formes très particulières. Avec une imprimante 3D, il ne faut que quelques heures pour produire l'objet souhaité en petite quantité. Cela offre une flexibilité énorme. D’ailleurs, aujourd'hui, il est impensable d'avoir un pôle d'innovation sans imprimante 3D.
Impression 3D et problèmes juridiques
Actuellement, les médicaments intègrent déjà des technologies de pointe protégées et l'impression 3D ne va pas tout changer. Ce qui est susceptible de changer complètement, c'est toute la chaîne du médicament. Aujourd'hui, une entreprise pharmaceutique qui vend un médicament en est responsable jusqu'à ce qu'il soit pris. Le médicament est vendu pour être consommé tel quel. À l'avenir, les industries pharmaceutiques pourraient ne vendre que l'ingrédient actif, qui serait ensuite façonné par quelqu'un d'autre. Cela changera probablement complètement la façon dont l'ensemble de la fabrication et de la chaîne d'approvisionnement des médicaments est conçue et les responsabilités associées. De plus, cela pourrait être une source potentielle de risque pour les patients. Les problèmes de responsabilité et de propriété intellectuelle doivent encore être résolus.
Limite de quantité
L'une des limites de l'impression 3D est qu'elle ne pourra pas être utilisée pour produire des médicaments en grandes quantités dans un futur proche. Typiquement, le comprimé de paracétamol restera un produit fabriqué avec des procédés conventionnels. L'impression 3D sera utilisée pour produire de petits lots de médicaments personnalisés à haute valeur ajoutée. La plupart des technologies 3D restent effectivement plus lentes que certains procédés plus conventionnels et industrialisés avec succès. Cependant, compte tenu de l’évolution constante des techniques, personne ne sait quelle sera l’importance de l’impression 3D au sein de la boite à outils de l’industriel de demain mais il y a peu de doute qu’elle y trouvera une place de choix.
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Parole d'experts
Découvrez la parole d'expert de Jacques Fages et Romain Sescousse, enseignants chercheurs à RAPSODEE, centre de recherche associé au CNRS à IMT Mines Albi sur la fabrication de comprimés de médicaments.